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L'entreprise agricole de Mary Nasimiyu, qui s'étend sur deux hectares, se trouve dans la région tranquille de Miluki, dans le comté de Bungoma, dans l'ouest du Kenya. Grâce à sa passion pour l'agriculture et à l'accent qu'elle met sur la diversification des cultures, Mary, 27 ans, a gagné le cœur des jeunes de la région à un moment où la plupart d'entre eux ont tourné le dos à ce secteur. Mais son parcours n'a pas été facile : Mary doit continuellement faire face à des rendements faibles, car son exploitation est constamment malmenée par les conditions climatiques difficiles de la région, qui alternent entre périodes de sécheresse prolongées et inondations.  

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Mary Nasimiyu montre les dégâts causés par la grêle dans son exploitation près de Bungoma, dans l'ouest du Kenya.
Georgina Smith
Mary Nasimiyu montre les dégâts causés par la grêle dans son exploitation près de Bungoma, dans l'ouest du Kenya.

Interagir avec l'assurance basée sur l'image  

En 2019, un membre de l'église que Mary fréquente lui a présenté un système d'assurance des récoltes connu sous le nom d'assurance basée sur l'image. Cette assurance combine une couverture d'assurance des récoltes, des services de conseil fournis par des agronomes et un accès à des semences certifiées de haute qualité provenant d'entreprises accréditées au niveau local. Élaboré par l'Agriculture and Climate Risk Enterprise Ltd (ACRE Africa), ce projet fait partie du fonds Cultiver l'avenir de l'Afrique, un partenariat entre le Australian Centre for International Agricultural Research et le Centre de recherches pour le développement international.   

La résilience agricole de Mary et sa fiabilité dans le paiement des primes d'assurance, allant de 50 Ksh (0,56 CAD/0,61 AUD) à 1 000 Ksh (11,25 CAD/12,25 AUD), ont fait d'elle un choix fiable pour devenir une « agente du changement » ou une « championne du village » pour ACRE Africa. Au début de l'année 2021, Mary a recruté 250 agriculteurs qui ont adhéré au programme d'assurance d'ACRE Africa. Cependant, lorsque la COVID-19 et les mesures de confinement ont frappé, l'interdiction des rassemblements et les restrictions de mouvement imposées par le gouvernement ont fait qu'elle n'a pu travailler qu'avec 20 agriculteurs dans son environnement immédiat.   

Selon le Rapport sur la stabilité financière de 2020 de la Banque centrale du Kenya, le taux d'adhésion à une assurance dans le pays en général n'est que de 2,4 %. Selon un rapport du ministère de l'Agriculture, moins de 1 % des agriculteurs et des éleveurs ont souscrit une assurance. Dans le cadre de son rôle d'agente du changement, Mary forme les agriculteurs aux bonnes pratiques agricoles au moins une fois par semaine et les aide à comprendre l'importance des assurances.    

Les primes d'assurance sont payées par les membres au début des pluies longues et courtes, c'est-à-dire au moment où les agriculteurs plantent. En cas de conditions météorologiques extrêmes, ce calendrier permet de surveiller les cultures dès le début. « L'une des choses qui a convaincu les agriculteurs d'adhérer à cette assurance est le fait que je les forme, parfois chez moi, et qu'ils peuvent découvrir mon parcours, y compris ce que l'on obtient en souscrivant. L'idée est d'amener les agriculteurs à y adhérer en voyant les résultats de leurs collègues », dit-elle.  

Toutefois, le processus n'a pas toujours été sans embûches. « Être une championne a été un parcours rempli de fortunes diverses. Lorsque nous avons commencé, il était très difficile de convaincre les agriculteurs de l'importance de souscrire l'assurance. La plupart d'entre eux se méfient des assureurs parce qu'ils ont l'impression que les demandes d'indemnisation sont souvent retardées ou ne sont pas du tout honorées », rappelle Mary. « Pour les convaincre, nous avons comparé l'assurance basée sur l'image au régime national d'assurance maladie du gouvernement, qui est prisé dans cette région. Nous avons expliqué que les gens ne prennent pas une couverture médicale parce qu'ils s'attendent à être malades, mais parce qu'elle leur serait utile si et quand ils tombent malades. Nous leur avons dit qu'il en allait de même pour leurs récoltes. »  

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C'est une championne de l'agriculture qui pratique la récolte intercalaire du maïs et des haricots.
Georgina Smith
C'est une championne de l'agriculture qui pratique la récolte intercalaire du maïs et des haricots.

Récolter les fruits de l'assurance basée sur l'image 

Même si Mary n'a pas encore eu à demander d'indemnisation, le programme lui a permis d'utiliser des semences certifiées, ce qui a fait passer ses rendements saisonniers de 45 kg à 225 kg. Bien qu'elle n'ait assuré que du maïs dans le cadre de ce programme, elle affirme que les rendements obtenus avec cette culture, qu'elle vend sur les marchés locaux chaque saison pour 6 000 Ksh (67,94 CAD/73,94 AUD), lui ont permis de se diversifier en cultivant des légumes tels que le chou frisé, les oignons et les tomates. Elle a même créé une boutique de vêtements en 2020.  

Mary a été une source d'inspiration pour les jeunes de la région qui évitent de travailler dans l'agriculture en raison des risques élevés et des faibles rendements. « En raison de la diversification des cultures et de certains nouveaux modes d'exploitation, par exemple l'utilisation de semences nouvelles et améliorées, j'ai reçu beaucoup de demandes de formation sur les bonnes pratiques agricoles de la part de jeunes désireux de se lancer dans l'agriculture. Certains d'entre eux font maintenant partie de mon réseau et je suis heureuse de la petite révolution que nous créons ensemble pour inciter davantage de jeunes à travailler dans ce secteur », dit-elle. Elle ajoute que des chocs, tels que la COVID-19 et le changement climatique, empêchent les agriculteurs, en particulier les plus jeunes, de réaliser leurs rêves. « C'est pourquoi les régimes d'assurance tels que l'assurance basée sur l'image sont utiles : ils renforcent la résilience de nos agriculteurs et leur garantissent qu'ils auront quelque chose, même si les récoltes sont mauvaises en raison du mauvais temps », dit-elle.   

Répondre aux besoins des jeunes agriculteurs 

Au plus fort de la pandémie, lorsque Mary n'était pas en mesure d'atteindre les agriculteurs et de distribuer des semences en personne, elle s'est appuyée sur son téléphone portable pour dispenser des formations et recruter de nouveaux membres par SMS, appels téléphoniques et WhatsApp. Il était plus facile d'avoir des conversations avec les jeunes sur la gestion des exploitations et la distribution des semences de cette façon, car la plupart d'entre eux ont des téléphones intelligents.    

Au fur et à mesure que la souscription de l'assurance basée sur l'image augmente, Mary dit que les jeunes agriculteurs souhaitent que le régime introduise davantage d'intrants tels que les engrais et les solutions de protection des cultures (par exemple, les pesticides et les herbicides) et qu'il élargisse la gamme des cultures assurables, y compris l'horticulture. ACRE est en train d'apporter ces changements.    

L'assurance basée sur l'image, qui est toujours en phase pilote, a jusqu'à présent couvert 4 200 agriculteurs dans les comtés de Busia, Bungoma, Embu, Machakos, Makeuni, Meru et Tharaka pendant quatre saisons. 

Image en haut : Georgina Smith