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Des changements en Asie, surtout pour les femmes

 

Jean Lebel

Présidente, CRDI

Les femmes sont les agentes du changement en Inde, au Bangladesh, et au Cambodge.

Je reviens tout juste d’un voyage en Inde, au Bangladesh, et au Cambodge. Bien que ces pays soient très différents, j’ai remarqué plusieurs ressemblances au cours de mes réunions, surtout en ce qui concerne la situation des femmes dans les villages et les milieux ruraux.

J’ai eu l’occasion de rencontrer des penseurs, des industriels, des politiciens, des représentants des médias, des ONG, et des chercheurs.

Le dénominateur commun est, sans l’ombre d’un doute, un essor économique qui a entraîné une croissance annuelle de cinq à dix pour cent dans chaque pays. J’ai été particulièrement frappé par la situation du Cambodge. Je ne reconnaissais plus la capitale, Phnom Penh (que j’ai visitée en 2008), en raison du tourisme et d’une augmentation soudaine de la construction de ponts, de routes et de bâtiments.

Toutefois, la réalité rattrape rapidement le visiteur qui explore la campagne, où vivent la plupart des populations de ces pays. En campagne, l’agriculture demeure l’activité principale, mais elle est touchée par les aléas des changements climatiques et est toujours axée sur la monoculture de petites surfaces.

Cependant, des changements se produisent. Dans l’un des villages que j’ai visités, on cultive des céréales, des légumes, et l’on y élève même des poissons (dans des étangs). Les fermiers m’ont indiqué que leur revenu avait plus que triplé en trois ans, grâce aux innovations agricoles. Il est passé de 300 $ à 1 000 $ en trois ans ! Ils sont aussi mieux préparés pour faire face aux sécheresses et aux pluies abondantes. Plus de 4 500 ménages font partie de cette transformation, et les femmes y sont au premier plan.

Toutefois, ces changements économiques n’ont pas tous une fin heureuse en ville. L’effondrement de l’immeuble Rana Plaza de huit étages à Dhaka, au Bangladesh en 2013, où des centaines de travailleuses clandestines travaillaient d’arrache-pied dans des endroits étroits, est un exemple tragique.

Avec plus de 1 000 décès, dont plus de la moitié était des femmes, ce fut un véritable choc pour tous.

Dans un pays dont le secteur manufacturier compte pour plus de 17 pour cent du PIB, et entre 80 et 90 pour cent des exportations, de nouvelles initiatives élaborées par des syndicats, des fabricants, le gouvernement et des chercheurs visent à trouver des solutions pour éviter de telles tragédies, et surtout, améliorer les conditions de travail. J’ai rencontré des équipes de chercheurs qui étudient les politiques mises en oeuvre dans ces pays dans le but d’améliorer les compétences de la main-d’oeuvre, et particulièrement des femmes, afin de réduire la dépendance à l’industrie vestimentaire.

La croissance de cette industrie a amélioré les revenus des femmes, mais nous devons reconnaître qu’aucun pays ne devrait avoir à se remettre d’une autre tragédie de ce genre, et le risque de se retrouver dans une situation précaire existe toujours. Le Canada, qui achète environ quatre pour cent des exportations de vêtements du Bangladesh, déploie des efforts importants afin de remédier à la situation en travaillant activement à améliorer les politiques et les règlements.

La priorité de mes réunions était la situation des femmes. La violence sexuelle et familiale ainsi que l’impunité sont des sujets qui ne sont abordés que tout récemment en Asie. De bien des façons, la situation est critique, et ces sociétés font face à une réalité brutale que personne ne peut tolérer. Comment pouvons-nous rompre le silence et combattre des systèmes et des rhétoriques rétrogrades ?

La première étape est de s’exprimer. J’ai eu l’occasion d’assister au lancement d’un livre écrit par des universitaires du Bangladesh. Il s’agit du premier effort d’une série de tentatives visant à contester le silence et l’impunité. La prochaine étape consiste à étudier et prendre des mesures pour faire en sorte que les femmes ne soient pas seules, et qu’elles ne soient pas victimes de ce fléau.

L’Inde possède maintenant un protocole normalisé pour les enquêtes médico-légales liées au viol, et celui-ci peut aider à accumuler des preuves contre les coupables. En outre, la ville de Mumbai fait figure de chef de file avec ses commissariats de police spéciaux pour les affaires de viol. Les femmes peuvent maintenant signaler des crimes sans risque. Espérons que les autres villes suivront son exemple.

Finalement, même si mes réunions étaient axées sur la croissance économique, l’agriculture et le rôle des femmes, il en est ressorti que le principal point commun de ces trois pays était la nécessité d’une éducation de qualité pour tous. On m’a affirmé que l’école était l’endroit le plus propice à créer de meilleurs citoyens qui participeraient à la croissance de ces pays qui ne sont plus ou presque plus des « pays en développement ».

Au Cambodge, on m’a rappelé qu’il y a 40 ans, le pays a tout perdu dans un génocide atroce qui a notamment anéanti le leadership scientifique. Grâce à l’aide internationale pour la reconstruction et à la ténacité exceptionnelle de ses citoyens, le pays dispose maintenant d’une génération de personnes dans la trentaine qui cherche des solutions aux problèmes de leur pays.

Étonnamment, et peut-être parce qu’ils ont dû recommencer à zéro, le pays compte maintenant autant de femmes que d’hommes de sciences. Pendant ma visite en Asie, j’ai eu l’impression de célébrer le 8 mars, avec les femmes comme agentes du changeme

La version originale anglaise de cette lettre éditoriale a été publiée dans Embassy News le 23 mars 2016.

Jean Lebel est le président du CRDI.