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Il est temps que le Canada rende la justice accessible à tous

 

Adrian Di Giovanni

Spécialiste de programme principal(e), CRDI

Lotta Teale

Vivek Maru

Directeur général, Namati

Lorsqu’on prive un enfant d’accès à l’école ou qu’on exclut une personne d’un hôpital, les médias ne perdent pas de temps à exposer l’injustice. La privation de soins de santé ou de scolarisation est impensable pour la plupart des Canadiens; pourtant, l’accès à la justice, tout particulièrement pour les questions non pénales, est hors de portée de millions de personnes dans ce pays, et de milliards de personnes à l’échelle mondiale. Malgré le besoin vital d’assistance juridique pour protéger les droits de l’homme, on remarque rarement son absence, et l’on considère que son inaccessibilité est simplement regrettable.

L’aide juridique souffre d’un sous-financement chronique au Canada et à l’étranger. Traditionnellement, les pays n’ont pas investi suffisamment dans l’accès à la justice dans leurs plans et budgets nationaux, ou dans l’aide internationale aux pays en développement.

De 2005 à 2013, on n’a consacré que 1,8 pour cent de l’aide à la justice à l’échelle mondiale. Une partie importante de ce soutien était axée sur les institutions étatiques dans un petit nombre de pays seulement, en omettant en grande partie les organisations de la société civile et leurs efforts visant l’amélioration de l’accessibilité.

La garantie de l’accès à la justice fait partie intégrante du développement, que ce soit en lien avec la santé, les terres, les réformes agricoles, la rénovation urbaine et les infrastructures, ou les possibilités financières.

Par l’entremise du travail de nos organismes respectifs, nous constatons régulièrement le pouvoir d’une assistance juridique de base pour les personnes vivant dans les conditions les plus précaires.

En temps de crise humanitaire, les simples difficultés juridiques sont souvent négligées, mais leur urgence s’amplifie. C’est le cas en Jordanie, où le soutien juridique apporté aux réfugiés syriens aide les familles à faire face aux défis liés à l’obtention de documents de base, notamment les preuves d’études universitaires, qui sont requis pour décrocher un emploi.

Les travailleurs de la justice de première ligne en Afrique occidentale aident les collectivités à préserver leurs moyens de subsistance et leurs modes de vie culturels en protégeant leurs droits territoriaux. Les anciens de clans à Duah, au Nigéria, ont conclu une transaction foncière potentiellement dévastatrice avec un investisseur local sans consulter la collectivité ou leur conseil de gouvernance foncière. Cependant, en employant leurs règlements communautaires adoptés récemment, les résidents ont réussi à tenir leurs dirigeants responsables et ont enrayé avec succès ladite transaction financière.

La demande d’accès à la justice est apparente, et nous espérons à présent qu’elle va obtenir l’attention qu’elle mérite.

Pour la première fois, les gouvernements à travers le monde se sont engagés à assurer un accès à la justice dans tous les pays et pour tous, conformément aux nouveaux objectifs de développement durable des Nations Unies.

En donnant aux citoyens ordinaires les moyens d’exercer leurs droits, on exigera de leur part un engagement et une coordination plus marqués de la part des gouvernements et des bailleurs de fonds à l’échelle nationale. L’accès aux volets de la justice doit être inclus dans les efforts d’autres organismes axés sur des domaines tels que la santé, l’éducation et la rénovation urbaine, dans le but d’assurer la protection des droits dès le départ. Cela sera également une façon de regrouper le financement essentiel de tous les organismes qui sera consacré aux efforts en matière d’accès à la justice.

À l’heure actuelle, les besoins juridiques des personnes sont relativement peu suivis à l’échelle mondiale, et il existe peu de mécanismes pour évaluer le coût et l’efficacité des différents types de services juridiques. Les gouvernements devront investir davantage pour comprendre les difficultés juridiques rencontrées au quotidien, et la façon la plus directe de répondre aux besoins des personnes avec des budgets limités.

Une approche de démarginalisation par le droit qui s’éloigne des tribunaux et des litiges pour se concentrer plutôt sur la capacité des personnes à résoudre les problèmes, souvent avec une aide de première ligne de la part de non-juristes ou d’intervenants juridiques communautaires, s’est avérée une manière efficace d’intensifier les services juridiques et de donner aux personnes un accès essentiel à leurs droits.

Les représentants de la loi, toutes allégeances confondues, devront adopter un plus grand esprit d’entreprise. Les avocats et barreaux, par exemple, peuvent jouer un rôle crucial dans la garantie de l’accès à la justice pour tous en soutenant des modes de financement des services neufs et innovants.

Le Canada peut jouer un rôle de leadership unique en faisant de l’engagement universel en matière d’accès une réalité, tant dans le pays qu’à l’étranger. Le Canada a une solide tradition et une forte réputation dans le domaine de la promotion des droits de l’homme et du respect de l’État de droit, dont l’accès à la justice est un ingrédient clé.

Alors qu’Affaires mondiales Canada s’attelle à l’examen actuel des priorités en matière d’assistance à l’échelle internationale, le moment est bien choisi pour réaffirmer ces engagements, au niveau politique et financier. Le Canada a de nombreuses leçons importantes à partager dans l’ensemble des provinces et avec d’autres pays au sujet de l’intensification de l’accès à la justice. Certains des problèmes les plus difficiles, notamment les défis chroniques liés à l’atteinte des groupes éloignés et exclus comme les populations autochtones et du nord du Canada, pourraient en fin de compte être la source d’information la plus utile.

La version originale anglaise de cette lettre éditoriale a été publiée dans The Hill Times le 29 juin 2016.

Adrian Di Giovanni est administrateur de programme principal pour le portefeuille de loi et développement au CRDI.