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Contextualiser les défis inhérents à l’inclusion des femmes dans la construction de chaînes de valeur agricoles résilientes au climat

 

Ces dernières années, les changements climatiques, les perturbations régionales et les mesures de santé publique relatives à la COVID-19 ont considérablement exacerbé les défis inhérents à l’égalité des genres dans les systèmes agricoles et alimentaires africains. Le débat sur la meilleure façon de soutenir la participation des femmes à ces systèmes est complexe et multiforme, et l’ampleur croissante de ces obstacles n’a fait que rendre la conversation plus tendue.  

« En temps de crise, souligne Mercy Rurii, administratrice de programme au CRDI, nous devons être vigilants dans le soutien que nous apportons aux femmes. Cela exige de la souplesse et des ajustements pour que les femmes ne soient pas abandonnées ou laissées pour compte. L’inclusion doit rester au premier plan des interventions. »  

Bien qu’elles représentent 50 à 75 % de la main-d’œuvre du continent, les femmes africaines sont confrontées à des désavantages majeurs et permanents : accès limité aux ressources et aux financements, obstacles à une formation adéquate et sous-représentation constante dans les rôles de direction et les discussions politiques.    

Dans ce contexte, le CRDI a réfléchi à son histoire de recherche et d’interventions axées sur l’agriculture, dans le but de faire part de connaissances en matière d’approches qui permettent de mieux comprendre l’importance des agricultrices, et de leurs familles, dans des systèmes alimentaires sains et durables.    

Trois différents projets de recherche financés par le CRDI et couvrant trois régions de l’Afrique offrent une perspective unique sur les possibilités, les défis et la voie à suivre pour les femmes travaillant dans les chaînes de valeur agricoles. Ces projets ont également fait l’objet d’un événement lors du Forum de la révolution verte en Afrique de l’année dernière.   

Autonomiser les agricultrices d’Afrique de l’Est   

Le projet de haricots précuits Cultiver l’avenir de l’Afrique (CultivAF), basé au Kenya et en Ouganda, s’attaque directement aux inégalités entre les genres dans les communautés locales et la chaîne de valeur. Les initiatives du projet comprennent des formations aux bonnes pratiques agronomiques et à la gestion financière, la fourniture de semences de variétés de haricots améliorées et le développement d’une application mobile grâce à laquelle les agricultrices sont payées directement pour leurs produits.    

Pour les femmes, l’application signifie qu’elles reçoivent leur paiement sans qu’il soit d’abord détourné par leur mari ou d’autres membres de leur foyer. Ce système renforce l’autonomie des femmes en tant que propriétaires d’entreprises, leur permettant d’enregistrer leurs entreprises en leur nom propre et d’accéder à leurs bénéfices de manière indépendante, et de les utiliser comme bon leur semble.  

Grace Nanyonjo, membre de l’équipe de recherche sur les haricots précuits, estime que le projet a eu des répercussions considérables : plus de 5 000 agricultrices ont eu accès à des variétés de haricots améliorées – dont le rendement est plus de deux fois supérieur à celui des variétés traditionnelles – et plus de 10 800 se sont inscrites à l’application numérique.    

« Les technologies numériques », a souligné Grace Nanyonjo, « ont le potentiel d’autonomiser les femmes rurales, et de nombreuses agricultrices peuvent témoigner de la manière dont cette technologie a permis à leurs ménages d’assurer la sécurité alimentaire, la sécurité de la nutrition et la sécurité des revenus. »  

Tirer le meilleur parti du quinoa marocain   

Un autre projet de recherche vise à améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des communautés rurales pauvres du Maroc au moyen de la chaîne de valeur du quinoa.  

Redouane Choukr-Allah, membre de cette initiative, estime que l’un des aspects les plus significatifs du travail de son équipe est la manière dont elle utilise des cultures nutritives et tolérantes à la sécheresse pour améliorer les moyens de subsistance des femmes en milieux ruraux. Plus précisément, le projet a permis de sensibiliser la communauté agricole aux avantages économiques du quinoa et à son potentiel en tant qu’autre option tolérante au stress aux cultures céréalières traditionnelles. L’équipe a également travaillé avec quatre coopératives de femmes en leur fournissant des graines de quinoa et des équipements de transformation, ainsi qu’une formation à la production et à la transformation du quinoa.  

Grâce à ces efforts, 140 femmes ont été formées pour devenir plus efficaces dans la production de quinoa, améliorant ainsi leurs revenus et leur sécurité alimentaire. Le projet a introduit cinq nouvelles variétés de cultures, qui ont permis d’augmenter les rendements de ces agricultrices de 130 % en moyenne. Le projet a également permis de développer des liens solides entre les institutions de recherche et les services nationaux de vulgarisation et de conseil afin de renforcer les services de renforcement des capacités et de s’assurer que les agricultrices reçoivent un soutien efficace pour l’adoption de technologies, telles que des variétés de semences améliorées.  

Le karité burkinabé comme parcours de résilience 

Le troisième projet se concentre sur les chaînes d’approvisionnement en karité du Burkina Faso, qui ont une longue histoire de résilience de quelque 700 ans. Actuellement, 10 000 organisations de femmes font le commerce du karité et 94 % des ménages collectent du karité – dont 60 % vendent des noix de karité ou du beurre de karité. Ces éléments de réflexion confèrent à cette culture une grande importance au sein de la population.  

 Cependant, malgré l’importance du karité en tant que ressource agricole précieuse, les parcs dans lesquels il pousse manquent cruellement de protection – un facteur de risque majeur déterminé par l’équipe de recherche du projet. Par conséquent, la surexploitation, le surpâturage, les incendies et les changements climatiques représentent des menaces permanentes pour cette culture. En réponse à ce constat, le projet a co-organisé un Forum national du karité en juin 2021, qui a rassemblé 180 parties prenantes et productrices de karité (majoritairement des femmes) afin de développer un appel à l’action pour que le gouvernement s’attaque à la dégradation des parcs à karité.  

Pour sa part, Andrew Wardell, chef de projet, reste profondément préoccupé par le fait que si la ressource arboricole s’épuise, aucune formation, aucun renforcement des capacités ou aucune organisation des productrices de karité ne pourra empêcher la perte de leurs moyens de subsistance.    

Surmonter les défis et garantir l’inclusion au premier plan des interventions   

Chacun de ces projets a dû adapter ses opérations face aux crises récentes, telles que les restrictions de voyage relatives à la pandémie de COVID-19, les épisodes climatiques et les perturbations géopolitiques régionales.  

Comment les initiatives visant à stimuler les systèmes alimentaires résilients et équitables pour les hommes et les femmes peuvent-elles survivre, voire prospérer, face à de tels défis?    

Les partenariats, tant avec des entités du secteur public que du secteur privé, ont été désignés par les équipes de projet comme essentiels à la résilience et à la capacité d’atteindre les populations cibles. Les initiatives menées avec ces partenaires comprenaient le développement de ressources, telles que l’application mobile de l’équipe des haricots précuits en Ouganda, créée en partenariat avec la Fondation Mastercard, et l’influence sur les politiques, notamment au moyen du Forum national du karité au Burkina Faso, organisé en collaboration avec le ministère de l’Environnement, de l’Économie verte et du Changement climatique.    

Redouane Choukr-Allah, membre de l’équipe du projet Quinoa, pense qu’il est essentiel que les décideurs politiques et les chercheurs reconnaissent la profonde interconnexion de chaque composant des chaînes de valeur et l’interdépendance des acteurs qui en résulte à chaque étape. « Vous ne pouvez pas parvenir à une autonomisation durable sans autonomiser tous les acteurs de la chaîne de valeur », a indiqué Redouane Choukr-Allah. Il est essentiel, selon lui, de soutenir les femmes travaillant dans toutes les activités, de l’agriculture à la commercialisation, afin de produire des répercussions significatives, équitables et durables.   

Les expériences de ces projets à travers l’Afrique illustrent une leçon claire : malgré des circonstances sans précédent et des périodes de difficultés incroyables pour tant de personnes, les projets de recherche sur le développement doivent continuellement s’adapter pour continuer à se concentrer sur les femmes et les soutenir en tant qu’actrices cruciales de la chaîne de valeur et de personnes qui développent la résilience. 

Faits saillants

  • Malgré des circonstances sans précédent et des périodes de difficultés incroyables pour tant de personnes, les projets de recherche sur le développement doivent continuellement s’adapter pour continuer à se concentrer sur les femmes et les soutenir en tant qu’actrices cruciales de la chaîne de valeur et de personnes qui développent la résilience. 

  • Les partenariats, tant avec des entités du secteur public que du secteur privé, sont essentiels pour renforcer la résilience et contribuer à la mise en place de systèmes alimentaires davantage équitables pour les femmes.  

  • Les technologies numériques ont le potentiel d’autonomiser les femmes des milieux ruraux, et de nombreuses agricultrices peuvent témoigner de la manière dont cette technologie a permis à leurs ménages de bénéficier d’une sécurité alimentaire, nutritionnelle et de revenus. 

  • Face aux changements climatiques en cours et progressifs, l’agriculture dans les régions très vulnérables doit se tourner vers des cultures davantage tolérantes à la sécheresse et nutritives pour améliorer les moyens de subsistance des femmes rurales.