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Des chaires de recherche permettront d’ancrer les connaissances sur les déplacements forcés dans les pays du Sud

 

Plus de 80 millions de personnes de par le monde ont été contraintes de fuir leur foyer, a rapporté le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en 2020. Ces personnes ont été déplacées de force en raison de persécutions, de conflits, de violences, de violations des droits de la personne, de difficultés économiques, de changements climatiques et de situations d’instabilité politique prolongées. Les femmes et les enfants parmi ces gens sont les premiers à souffrir des difficultés liées à leurs conditions souvent précaires.    

Bien que les pays en développement accueillent 80 % des personnes déplacées de force dans le monde, les politiques et les pratiques régissant la vie de ces populations s’appuyer sur les recherches disponibles qui proviennent essentiellement de pays développés. Les connaissances nationales et locales sur les déplacements forcés, qui s’appuient sur les expériences des personnes qui ont dû fuir et de leurs communautés d’accueil, restent largement inexploitées. Ces connaissances localisées sont cruciales pour l’élaboration de solutions durables aux défis liés aux déplacements forcés.    

Le CRDI investit 4,4 millions de dollars canadiens, rien qu’en 2021, pour créer des chaires de recherche sur les déplacements forcés dans des universités de pays du Sud. Des appels à propositions ouverts et concurrentiels lancés au Moyen-Orient et en Afrique de l’Est ainsi qu’en Asie du Sud et du Sud-Est et en Amérique centrale et du Sud ont permis de sélectionner huit universités qui créeront des chaires de recherche en fonction des objectifs qu’elles ont établis.   

Chaque université recevra jusqu’à 600 000 CAD sur cinq ans pour mener des recherches interdisciplinaires et multisectorielles, tout en intégrant des approches visant à transformer les normes discriminatoires liées au genre. Les activités de sélection des titulaires des chaires sont en cours.   

Ensemble, ces chaires de recherche contribueront de manière significative à l’étude des déplacements forcés dans une perspective des pays du Sud, et ce, en s’engageant en faveur de l’excellence dans la recherche et l’enseignement, et du mentorat pour les jeunes chercheurs et chercheuses. Les chaires s’attacheront également à promouvoir des liens solides avec la recherche et les initiatives communautaires ainsi qu’avec les processus nationaux et mondiaux d’élaboration de politiques.   

Voici les huit premières universités sélectionnées en 2021 ainsi que leurs projets de chaire de recherche :  

Université de Guadalajara (Mexique) 

Le Département des politiques publiques de l’Université de Guadalajara créera une chaire de recherche sur les migrations internationales forcées en mettant l’accent sur l’inclusion et la protection des droits de la personne dans l’éducation et la gouvernance au Mexique. Par le biais de la recherche et de l’engagement politique, la chaire de recherche favorisera l’apprentissage sur les défis auxquels sont confrontées les personnes qui ont été déplacées de force de leur pays d’origine et favorisera la visibilité des femmes migrantes et de leur lutte pour l’inclusion. L’université prévoit des activités académiques interdisciplinaires aux niveaux local, national, régional et mondial afin d’élaborer un programme de recherche collectif et de fournir de nouvelles perspectives et solutions locales aux défis liés aux déplacements forcés. 

Universidad del Pacífico (Pérou) 

Cette chaire de recherche, qui sera créée par la vice-présidence pour la recherche de cette université péruvienne, vise à établir un programme de recherche durable sur les migrations et les déplacements forcés en Amérique du Sud en faisant participer des acteurs clés tels que des universitaires, des décideurs politiques, des agences de coopération, des représentants de la société civile et des migrants. La crise économique, sociale et politique au Venezuela, qui entraîne des déplacements de population, ainsi que le parcours migratoire dans la région, sont quelques-uns des sujets d’étude prévus. La chaire de recherche permettra d’établir des partenariats nationaux et internationaux et de favoriser des possibilités de développement professionnel pour les chercheurs en début de carrière. La recherche permettra également de formuler des recommandations en matière de politiques publiques au niveau régional. 

Université d’Addis-Abeba (Éthiopie) 

L’Éthiopie accueille plus de 800 000 réfugiés et plus de 3 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Le Collège des sciences comportementales et de l’éducation de l’Université d’Addis-Abeba créera une chaire de recherche sur les déplacements forcés afin d’étudier les vulnérabilités que présentent ces populations. Cette chaire donnera la priorité aux cadres juridiques, à la gouvernance, aux services de sécurité et de protection liés aux déplacements forcés, aux économies et aux moyens de subsistance, à l’éducation, à la santé et au soutien psychosocial, ainsi qu’à l’inclusion des femmes, des minorités et des personnes handicapées.  

Université de Dar es-Salaam (Tanzanie) 

La chaire de recherche de cette université sera hébergée dans le Département de géographie. Elle étudiera la sécurité des moyens de subsistance et la protection sociale et juridique des réfugiés et des personnes déplacées par les conflits, comme les pasteurs et les agriculteurs, qui ont été déplacées à l’intérieur du pays en raison des répercussions des changements climatiques, de la création de zones de conservation et de projets d’investissement à grande échelle en Tanzanie et en Ouganda. À l’aide d’études de cas, la chaire de recherche donnera la priorité aux points de vue et aux mécanismes d’adaptation des personnes déplacées, afin de définir un programme de recherche et de sensibilisation axé sur la demande et l’action.  

Université américaine de Beyrouth (Liban)  

Le Liban présente la plus grande concentration par habitant au monde de personnes déplacées, notamment des Palestiniens, des Irakiens, des Syriens et des Yéménites. L’université créera une chaire de recherche qui se concentrera sur le bien-être des enfants et des adolescents déplacés de force, qui constituent des groupes démographiques prédominants dans la région du Moyen-Orient. Utilisant des méthodes participatives, la recherche portera sur l’accès à la santé et à l’éducation pour les enfants et les adolescents déplacés, ainsi que sur les difficultés liées au passage à l’âge adulte et à l’accès au marché du travail. Elle étudiera également comment favoriser des économies durables et inclusives dans un contexte d’inégalités entre les sexes et de facteurs de stress environnementaux tels que le manque d’eau et de nourriture. Le programme servira de centre régional pour la recherche communautaire axée en particulier sur les jeunes déplacés.  

Université Saint-Joseph de Beyrouth (Liban) 

L’École de travail social de cette université créera une chaire de recherche axée sur le Liban en particulier, mais également sur la Syrie, la Jordanie, l’Irak et la Cisjordanie. Les sujets de recherche prioritaires comprendront les tensions entre les communautés syriennes déplacées et les communautés d’accueil libanaises, le bien-être et les droits sociaux des enfants, des jeunes et des membres des communautés LGBTQ déplacés, ainsi que la préparation au rapatriement. Un comité composé de chercheurs, de décideurs politiques et de représentants des communautés d’accueil et déplacées conseillera les responsables du programme de recherche. 

Université de Chiang Mai (Thaïlande) 

Le Centre régional pour les sciences sociales et le développement durable de l’Université de Chiang Mai crée une chaire de recherche pour comprendre les déplacements forcés en Asie du Sud-Est et apporter des solutions pour les communautés déplacées. Principalement axée sur le Myanmar, la chaire étudiera les migrations causées par les conflits politiques et religieux, les acquisitions de ressources à grande échelle, les catastrophes naturelles et le développement des infrastructures. Elle élaborera des occasions d’éducation post-secondaire inclusives pour les jeunes déplacés ainsi que des stratégies de subsistance adaptatives, avec un accent particulier sur les défis croisés de l’inégalité des sexes et de l’exclusion ethnique. La chaire sera également directement engagée dans le soutien aux universitaires, aux activistes et aux acteurs de la société civile qui ont fui en Thaïlande. L’objectif est de combler les lacunes en matière de connaissances et d’établir un lien avec la formulation des politiques dans toute la région. 

Asian Institute of Technology (Thaïlande) 

La chaire créée au Département d’études sur le genre et le développement de cet établissement universitaire sera axée sur la sous-région du Grand Mékong (Cambodge, République démocratique populaire lao, Myanmar, Thaïlande et Viet Nam) et sur l’Asie du Sud (Bangladesh). Elle mettra en lumière les recherches sur le genre et les déplacements forcés dans des contextes de démocraties instables, de montée de l’autoritarisme et de populations déplacées de force, qui sont les plus vulnérables aux catastrophes et aux répercussions des changements climatiques. La chaire remettra en question les compréhensions étroites liées à la recherche sur les déplacements forcés, le genre, l’orientation sexuelle, l’identité de genre et l’expression de genre –  des questions qui sont largement invisibles dans les processus de recherche et d’élaboration de politiques.  

En plus des chaires de ces huit universités, le CRDI prévoit soutenir quatre autres chaires de recherche en Afrique de l’Ouest et du Nord, dans le cadre d’un engagement à plus long terme sur les questions liées aux déplacements forcés.   

Solutions durables pour les personnes déplacées de force  

Un élément déterminant de cette initiative est le soutien au réseautage, à la coordination et à l’apprentissage mutuel entre les chaires de recherche. Le réseau LERRN (Local Engagement Refugee Research Network) de l’Université Carleton au Canada (https://carleton.ca/lerrn/) facilitera la mobilisation et la collaboration entre les chaires ainsi que la synthèse des constatations et des enseignements des différentes régions.  

La recherche et les données probantes qui mettent en liaison les réalités vécues par les personnes déplacées avec les décideurs politiques aux niveaux local, national et mondial sont essentielles à la réalisation de solutions durables. Cette initiative permettra de créer des connaissances et des recherches déterminantes, menées par des institutions du Sud, qui peuvent contribuer à éclairer non seulement les politiques locales et nationales, mais aussi le discours et les actions au niveau mondial.