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Les améliorations en matière de finances, de données et d’inclusion peuvent contribuer à combler les lacunes en matière d’adaptation au changement climatique en Afrique

 

En 2021, l'Afrique de l'Ouest a connu des températures annuelles parmi les plus élevées jamais enregistrées. Selon la Banque mondiale, les températures dans la région aride du Sahel augmentent 1,5 fois plus vite que la moyenne mondiale, intensifiant les sécheresses déjà graves, la désertification et l'érosion.

L'Afrique de l'Ouest connaît également des inondations plus fréquentes, de graves vagues de chaleur et des épisodes pluvieux moins nombreux, mais plus intenses. Ces événements ont un impact négatif sur la production agricole, l'habitation et les infrastructures urbaines et, comme il est de plus en plus reconnu, ils perturbent directement la santé humaine.

Ce sont là quelques-uns des faits présentés lors d'un webinaire organisé par le CRDI en mars 2022 pour discuter du rapport du groupe de travail II du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), Climate Change 2022 : Impacts, Adaptation and Vulnerability (6e rapport d'évaluation). Bien que l'allocution principale du webinaire et le panel se soient concentrés sur l'Afrique de l'Ouest, les conclusions et les recommandations pour une adaptation plus efficace s'appliquent à la plupart des régions d'Afrique.

Publié en février 2022, le 6e rapport d'évaluation fournit l'évaluation la plus solide jamais réalisée des preuves de la façon dont les changements climatiques touchent le continent africain. Des universitaires de l'Afrique ont dirigé la production de ces nouvelles données, avec le financement du CRDI et du Bureau des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement du Royaume-Uni.

Comme le souligne le Dr Edmond Totin de l'Université Nationale d'Agriculture du Bénin, l'un des principaux auteurs du chapitre portant sur l'Afrique du rapport d'évaluation, les répercussions des changements climatiques en Afrique de l'Ouest ont des conséquences socio-économiques, politiques et environnementales durables. Les personnes vulnérables et les pauvres sont touchées de manière disproportionnée, en particulier celles qui sont contraintes de s'installer dans des zones à risque et des quartiers informels aux infrastructures inadéquates. Les pressions exercées par les parasites, les mauvaises herbes et les maladies devraient également augmenter, avec des effets néfastes sur les cultures et le bétail.

Selon le 6e rapport d'évaluation, de nombreux facteurs entravent les efforts d'adaptation de l'Afrique de l'Ouest et du continent, notamment un financement inadéquat, une pénurie de données et un manque d'inclusion des connaissances locales, en particulier celles des femmes qui subissent le plus les changements climatiques.

Financement insuffisant

Lors du webinaire, le Dr Christopher Trisos, directeur du Climate Change Risk Lab de l'Université du Cap, en Afrique du Sud, et auteur principal du 6e rapport d'évaluation, a évoqué les nombreuses lacunes du financement des efforts d'adaptation en Afrique. Comme l'indique le rapport du GIEC, il affirme que le financement actuel alloué à l'adaptation en Afrique est inférieur même aux estimations les plus basses des coûts d'adaptation que l'équipe de recherche a évaluées.  

Par exemple, de 1990 à 2019, la recherche sur l'Afrique n'a reçu que 3,8 % du financement de la recherche sur le climat au niveau mondial : 78 % de ces financements ont été attribués aux institutions de l'Union européenne et de l'Amérique du Nord, tandis que les institutions africaines n'ont reçu que 14,5 %. Comme l'indique le rapport du GIEC, « la combinaison de l'identification par le Nord des lacunes en matière de connaissances et de compétences peut aboutir à des projets dans lesquels les partenaires africains sont positionnés principalement comme des bénéficiaires engagés pour soutenir la recherche ou voir leurs capacités renforcées plutôt que de diriger également des projets de recherche sur une base égale. »

Le Dr Trisos a également souligné la répartition inégale du financement de la recherche sur les changements climatiques au sein du continent : entre 1990 et 2020, l'Afrique du Sud, l'Éthiopie, le Ghana, le Kenya, la Tanzanie et la Zambie se sont taillé la part du lion. La recherche sur les pays d'Afrique du Nord était la plus sous-financée par rapport à la vulnérabilité climatique de la région.

Une pénurie de données 

Ce déséquilibre contribue au manque de données précises et complètes sur le climat, l'agriculture et la population. Le Rapport sur l'état du climat en Afrique 2019 de l'Organisation météorologique mondiale des Nations Unies indique que l'Afrique possède le réseau d'observation terrestre le moins développé de tous les continents, et qu'il se détériore. Le manque de données rend plus difficile la protection des personnes contre les répercussions des changements climatiques. Il contribue également à un manque de compréhension de ses causes et de ses implications.  

Une étude récente financée par le CRDI et le Bureau des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement du Royaume-Uni a révélé que l'alphabétisation en matière de changement climatique en Afrique variait de 23 à 66 % de la population dans 33 pays, le taux d'alphabétisation des femmes étant, en moyenne, de 12,8 % inférieur à celui des hommes. Ce faible niveau d'alphabétisation entrave la capacité des femmes et des hommes à accéder aux informations et aux services relatifs aux changements climatiques et aux catastrophes et à les comprendre. 

Au niveau politique, le manque de données et de documentation entrave la formulation de choix et de stratégies d'adaptation concrètes. « Nous devons produire des données, traduire les données en informations et traduire les informations en programmes et politiques efficaces », déclare l'ambassadeur Seyni Nafo, Haut Représentant du Président de la République du Mali pour le Climat et porte-parole du Groupe Afrique des négociateurs du climat. 

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Un webinaire

Les femmes marginalisées

Comme l'a souligné Zénabou Segda, directrice du Programme environnemental pour les femmes au Burkina Faso, il est particulièrement difficile de trouver des données sexospécifiques sur l'adaptation et sur le montant des financements accordés aux femmes. Et ce, malgré le fait que les femmes sont plus atteintes par les risques climatiques en raison des différences de pouvoir et des dynamiques de genre. Les femmes constituent également la majorité des pauvres du monde entier et sont plus dépendantes des ressources naturelles menacées. 

Par contre, si les femmes sont victimes des changements climatiques, elles peuvent aussi être des agentes et des défenseures actives et efficaces de l'adaptation et de l'atténuation. Segda s'est battue pour faire tomber les barrières à la participation des femmes. « Les femmes, dit-elle, ont le lien le plus profond avec la terre. Elles travaillent les champs, cherchent de l'eau, trouvent du bois de chauffage. » En tant que gardiennes des connaissances ancestrales et traditionnelles, « elles jouent un rôle crucial dans les efforts d'adaptation en trouvant des moyens concrets de s'adapter, en particulier au niveau communautaire », dit-elle.  

Pourtant, les besoins des femmes sont souvent négligés et leur leadership n'est pas encouragé dans les décisions clés concernant l'atténuation, l'adaptation et la réduction des risques de catastrophe. Selon le site de l'Union internationale pour la conservation de la nature, les femmes n'occupaient que 15 % des postes de ministres de l'environnement dans le monde en 2020. Toutefois, une étude réalisée en 2019a révélé que l'augmentation de la représentation des femmes dans les parlements nationaux entraînait l'adoption de politiques plus strictes en matière de changement climatique. 

Ce manque de représentation et de participation significatives dans les organes de décision peut se traduire par une action climatique qui ne tient pas compte des besoins spécifiques des femmes et des hommes issus de différents groupes sociaux. 

Le CRDI œuvre pour le changement

Ce sont des situations que le CRDI s'efforce de changer par le biais d'initiatives telles que le Programme de leadership climatique pour les femmes qui renforce les capacités de recherche, d'innovation et de politiques de 18 chercheuses, innovatrices et conseillères en politiques en début et en milieu de carrière en Afrique de l'Ouest francophone.

L'initiative de recherche entre le Canada et le Royaume-Uni intitulé « Adaptation aux changements climatiques et résilience » (CLARE), lancée fin 2021, vise à utiliser la recherche pour renforcer la résilience, combler les lacunes dans les connaissances et stimuler la réponse aux crises climatiques dans l'ensemble du Sud. CLARE reconnaît que les efforts pour surmonter ces crises sont limités par la sous-représentation des voix du Sud dans les écosystèmes de la recherche et des connaissances. Un projet financé par CLARE vise à améliorer l'apprentissage et la compréhension de l'adaptation au climat parmi les entreprises dirigées par des femmes dans les régions semi-arides d'Afrique.

Le CRDI finance également des recherches visant à trouver des solutions pratiques et locales qui intègrent les connaissances locales et scientifiques. Par exemple, les chercheuses et chercheurs en l'Afrique de l'Ouest testent des technologies plus propres qui réduisent l'empreinte carbone des ménages et trouvent des moyens de mieux transmettre les informations relatives aux transitions agricoles durables.

Ces approches ascendantes doivent faire partie de la politique globale des gouvernements africains en matière de changement climatique. En fournissant une compréhension plus complète des répercussions des changements climatiques et des options de réponse, ces efforts permettront aux décideurs africains de prendre des décisions plus ciblées, ambitieuses et efficaces. 

Faits saillants

  • Les changements climatiques constitueront l'un des plus grands défis de l'Afrique de l'Ouest. L'accès au financement et à des données précises et complètes sera essentiel pour permettre aux gouvernements de cette région de s'adapter aux répercussions croissantes des changements climatiques et de garantir un développement plus résilient en dessous de 1,5 °C.

  • Les femmes sont plus atteintes par les risques climatiques en raison des différences de pouvoir et des dynamiques de genre. Cependant, si elles sont victimes des changements climatiques, elles peuvent aussi être des agentes et des défenseures actives et efficaces de l'adaptation et de l'atténuation.

  • Le CRDI soutient le travail des institutions et des chercheuses et chercheurs africains afin d'amplifier la prise en compte et l'intégration des connaissances locales et scientifiques dans les rapports d'évaluation mondiaux tels que celui du GIEC.