Les économistes et les spécialistes en sciences sociales appuient l’idée d’un revenu de base en Inde

Les économistes et les spécialistes en sciences sociales ont vigoureusement plaidé en faveur d’une réduction des dépenses en subventions et de la création d’un revenu de base pour les populations de l’Inde à la Conférence nationale sur le revenu de base universel appuyée par le CRDI. Organisée par la Self-employed Women’s Association (SEWA Bharat) et le India Network for Basic Income, la conférence a rassemblé « certains des meilleurs cerveaux du monde qui ont présenté des arguments très convaincants durant ces deux jours », a déclaré Anindya Chatterjee, directeur régional du CRDI pour l’Asie.
Environ 37 % de la population de l’Inde qui est de 1,2 milliard d’habitants vit sous le seuil de la pauvreté. De plus, d’après la dernière enquête nationale sur la santé familiale, la proportion d’enfants sous-alimentés se situe à 35 %. Plusieurs autres indicateurs sur les plans de l’économie et de la santé sont alarmants, ce qui illustre le faible rendement des initiatives visant à améliorer la situation. Plusieurs de ces initiatives offrent des repas subventionnés par le réseau de distribution public, ou en donnent dans les garderies et les écoles. Ces initiatives n’ont pas donné les résultats escomptés et ont fait l’objet de critiques.
Subventions
Les subventions représentent jusqu’à 7 % du PIB de l’Inde. Certains économistes ont réprouvé le programme de subventions, souvent perçu comme une forme de favoritisme servant des intérêts particuliers. Un éminent économiste indien, Montek Singh Ahluwalia, a déclaré que les subventions agricoles (en Inde, les agriculteurs ne paient pas d’impôts sur le revenu) servent davantage les agriculteurs riches ainsi que les intérêts particuliers au lieu de profiter aux bénéficiaires ciblés, soit les agriculteurs pauvres.
Études sur le revenu de base
Tandis que certains organismes comme la SEWA ont mené des recherches sur l’impact d’un revenu de base, le gouvernement indien a révélé dans le Economic Survey 2017–18 qu’il considère le revenu de base universel comme « une solution de remplacement aux subventions publiques pour lutter contre la pauvreté ». Le gouvernement indien a examiné la question des transferts monétaires conditionnels pour certaines de ses initiatives, notamment le plan d’alimentation pour femmes enceintes et mères allaitantes. Les avantages des transferts monétaires et du revenu de base font encore l’objet de débats, mais des études ont démontré qu’un revenu de base profite à la population à court et à long terme.
L’unité Madhya Pradesh de la SEWA a dirigé une étude pilote dans deux villages : Ghoda Khurd, où les résidents ont reçu un revenu de base, et Bilami, qui a servi de village « de référence » où aucune intervention n’a été faite. Les données recueillies dans les deux villages un an après la fin du programme montrent des changements profonds dans les aspects financiers et autres de la vie des gens à Ghoda Khurd, tandis qu’il n’y a eu que peu ou pas de changement comparable à Bilami. À Ghoda Khurd, la proportion de travailleurs indépendants est passée de 45 à 50 % en un an, et s’est maintenue à 50 % après quatre ans. À Bilami, la même proportion est passée de 50 à 19 % en un an à cause d’une sécheresse, et a atteint 33 % après quatre ans. À Ghoda Khurd, le nombre de propriétaires de petits et de grands animaux a également augmenté considérablement. Les résidents ont utilisé leur revenu pour obtenir des soins de santé privés, et ont mentionné avoir un meilleur contrôle de leur vie.
L’une de ces résidentes, Radha Ben, était présente lors de la conférence. Mme Ben a révélé qu’elle et son mari étaient travailleurs occasionnels et qu’ils n’avaient pas assez d’argent pour cultiver leur terre. Dès qu’elle a reçu le revenu de base, la mobilité économique de sa famille a complètement changé. Mme Ben possède maintenant du bétail, prête des boeufs et n’est plus travailleuse occasionnelle. Elle peut cultiver sa terre et augmenter le revenu de sa famille. Son mari est toutefois redevenu travailleur occasionnel, mais leur situation s’est nettement améliorée.
L’économiste reconnu, Abhijeet Banerjee, professeur d’économie au Massachusetts Institute of Technology, a présenté des données de sept pays qui ont démontré l’impact du revenu de base. « Les résultats montrent que même sept ans après avoir reçu leur soutien financier, les gens sont 50 % plus riches, mangent mieux, sont en meilleure santé et sont plus heureux », a-t-il affirmé.
Le revenu de base, une possibilité ?
Certains experts et économistes ont cependant parlé du fardeau économique qu’un revenu de base ciblé ou universel imposerait aux finances publiques en ce qui a trait aux priorités concurrentes en matière de développement et à la disponibilité limitée des fonds. L’économiste Sudipto Mandal s’est étendu sur le dilemme consistant à déterminer qui aurait droit au revenu de base. « Il faudrait gérer cette question avec prudence », a-t-il précisé.
Par ailleurs, certains croient que le revenu de base rendrait les gens paresseux, car ils recevraient de l’argent sans pour autant travailler, ou qu’un tel revenu supplémentaire serait utilisé pour acheter de l’alcool. Mme Jhabvala de la SEWA a répondu à ces deux arguments. Elle a divulgué des résultats de l’étude selon lesquels le revenu de base a en fait contribué à réduire la consommation d’alcool, puisque les gens étaient moins déprimés du fait qu’ils recevaient un revenu régulier. En fait, l’argent supplémentaire a souvent été utilisé pour démarrer des entreprises.
Même si l’idée d’un revenu de base a été abordée dans l’enquête économique, il est difficile de savoir si le gouvernement indien envisage vraiment d’y recourir en guise de solution de rechange aux programmes de subventions inefficaces. Balijayant Panda, député et conférencier, a indiqué son soutien au revenu de base, mais a également déclaré que la volonté politique de l’Inde n’est actuellement pas « déterminée » en ce qui concerne le revenu de base.