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Les jeunes revendiquent leur place dans les cercles politiques sur les changements climatiques

 

Lorsque le Zimbabwe a révisé ses plans relatifs à ses contributions déterminées au niveau national – des objectifs en matière d’actions climatiques nationales et de réduction des émissions de gaz à effet de serre – le document ne mentionnait qu’une seule fois la jeunesse. Mais une proposition d’Elizabeth Gulugulu, une jeune activiste en matière de changements climatiques et organisatrice au Zimbabwe de la Youth Initiative on Climate Change, a conduit à plusieurs ajouts faisant référence au soutien des jeunes dans les phases de consultation et de mise en œuvre.    

« Cela commence par la politique, puis cela passe par la mise en œuvre de projets sur le terrain… J’ai revendiqué ma place », a-t-elle déclaré lors d’une table ronde, à l’occasion de la 26e session de la Conférence des Parties (COP26) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), qui s’est tenue en novembre 2021 à Glasgow, au Royaume-Uni. En cette période de crise, il est essentiel que davantage de jeunes du Sud se lèvent comme Elizabeth Gulugulu pour revendiquer leur place.   

Représentant 40 % de la population mondiale, les moins de 25 ans constituent une génération nombreuse et diversifiée. En Afrique subsaharienne, les jeunes représentent plus de 70 % de la population, et l’âge médian est de 20 ans. Par leur simple nombre, les jeunes constituent une cible importante pour les initiatives en matière de développement. Ils devront également assumer la responsabilité de l’adaptation aux changements climatiques et de l’atténuation de ses effets, tout en souffrant des perturbations sans précédent de leurs revenus et de leurs perspectives de subsistance résultant des changements climatiques. 

S’ils sont intégrés dans les politiques et les actions, les jeunes pourraient alimenter un moteur continental de croissance verte. Pour réaliser ce potentiel, ils doivent être présents aux tables de décision. Ils considèrent toutefois que les possibilités d’accès sont limitées, comme en témoignent les réponses à une enquête de l’ONU dans 186 pays. Les représentants de la jeunesse au Forum de la jeunesse des Nations Unies de 2016 ont clairement exposé le problème du trop petit nombre de jeunes des pays en développement qui peuvent assister aux conférences sur les changements climatiques. La même critique a été formulée lors de la COP26, où l’accès a été encore restreint par les exigences en matière de vaccins et la nécessité de procéder à des tests de dépistage de la COVID-19 et à une quarantaine coûteux. 

Les efforts déployés pour mieux se relever de la pandémie de COVID-19 représentent une occasion unique pour les parties prenantes de repenser le fonctionnement habituel. La jeunesse peut alimenter un regain d’espoir pour une économie verte, mais ce changement de cap nécessite un changement institutionnel, un renforcement des capacités et un financement dédié.  

La voix des jeunes pour une relance verte

En octobre 2021, un processus de consultation avec des jeunes militants de différentes régions du monde a permis d’aborder la question de la participation des jeunes aux décisions et aux actions relatives au climat. Elle s’est concentrée sur les méthodes concrètes qui pourraient améliorer les mécanismes institutionnels formels afin de renforcer la présence des jeunes dans le processus politique.  

Dirigée par le Youth Climate Lab du Canada et la Green Africa Youth Organization (GAYO) du Ghana, l’initiative soutenue par le CRDI visait à formuler des recommandations stratégiques succinctes et applicables à la COP26. Avant cet événement mondial, GAYO a organisé six sommets en ligne réunissant plus de 200 jeunes militants d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine pour discuter et recommander des moyens de stimuler le développement mené par les jeunes et l’adaptation aux changements climatiques et leur atténuation. Des rapports qualitatifs régionaux et internationaux synthétisent leurs résultats. En outre, des blogues audio présentent des entretiens avec dix jeunes leaders en matière de changements climatiques du Sud, et un mémoire qui synthétise leurs idées. Ces consultations ont alimenté la table ronde à laquelle ont participé Elizabeth Gulugulu et quatre autres jeunes leaders climatiques dans le cadre du Resilience Hub à la COP26.  

Media
Des jeunes femmes et des hommes transportent des jeunes arbres et des arrosoirs dans un quartier du Ghana.
GAYO
Des volontaires de la Green Africa Youth Organization s’engagent dans la plantation d’arbres en collaboration avec les communautés et d’autres partenaires.

Obstacles à la participation des jeunes

L’une des jeunes panélistes, Beatriz Pagy, a déclaré que la participation des jeunes aux décisions et aux actions relatives au climat s’est accrue au fil des ans. Mais « cela reste limité aux personnes jouissant de nombreux privilèges », explique, l’entrepreneuse sociale et cofondatrice de Clima de Eleição, une campagne visant à alimenter les débats politiques nationaux sur la crise climatique au Brésil. Pour surmonter les obstacles liés au financement, à la langue et à l’accessibilité, les jeunes ont besoin d’occasions qui ne sont actuellement accessibles qu’à un petit nombre.  

Le panéliste Irfan Ullah, fondateur et directeur général de la Semaine de la durabilité au Pakistan, a dénoncé les parcours politiques parsemés d’obstacles bureaucratiques qui empêchent les jeunes d’accéder aux structures institutionnelles. Le financement des programmes d’adaptation, de recherche et de politique est généralement distribué à des experts plus âgés et les connexions avec les décideurs politiques et les réseaux prennent souvent des années à se développer, laissant les jeunes à l’écart des conversations clés.  

Selon les panélistes, les jeunes manquent encore de confiance dans les décideurs, mais aussi dans leurs propres capacités à s’engager avec confiance dans ces espaces. Cette hésitation s’explique en partie par la crainte de manquer de connaissances pour travailler sur les politiques, et en partie par la conviction que la stigmatisation sociale empêchera la mise en œuvre d’idées de jeunes, même viables.  

L’inclusion des jeunes dans le processus politique

Les mécanismes proposés par les jeunes pour accéder aux espaces politiques incluent les conseils des jeunes sur l’environnement et les changements climatiques, qui leur offrent une occasion désignée pour discuter des solutions et générer des idées pour les décideurs locaux, régionaux et nationaux. Les conseils peuvent également mener des recherches, recueillir des données de qualité et porter les discussions au niveau communautaire à un public plus large. Le Canada et le Ghana ont récemment formé des conseils de jeunes pour discuter régulièrement des changements climatiques avec les fonctionnaires. Le financement des pays en développement convenu lors de la COP26 pourrait servir de tremplin à la création d’un plus grand nombre de ces conseils.  

Les participants au Sommet de la jeunesse ont pointé du doigt le niveau international comme un espace qui exclut les jeunes populations, une situation à laquelle on pourrait remédier en imposant des quotas de jeunes pour les processus internationaux en matière de politiques sur les changements climatiques, les organisations internationales et les institutions régionales. Ces quotas de jeunes pourraient inclure des exigences d’équité telles que la représentation basée sur le sexe, l’emplacement géographique et l’identité autochtone, par exemple. Les processus et institutions qui existent au niveau international pour refléter les perspectives des jeunes doivent également garantir une participation équilibrée et inclusive en employant une diversité de jeunes du Sud.  

Les institutions qui relèvent le défi de la participation des jeunes auront besoin de mécanismes d’inventaire pour réussir. Les jeunes délégués d’Asie recommandent de développer un cadre de suivi et évaluation pour l’implication des jeunes dans les objectifs de développement durable et les contributions déterminées au niveau national, afin d’éviter le symbolisme et de s’assurer que la participation des jeunes est active. Un cadre de suivi et évaluation pourrait améliorer la responsabilité des politiques environnementales des secteurs public et privé. Cela pourrait également réduire les fausses déclarations d’organisations respectueuses de l’environnement, connues sous le nom d’écoblanchiment.   

Une meilleure communication, dans un langage encourageant et accessible, est également nécessaire pour sensibiliser les jeunes aux nouveaux espaces de participation à l’élaboration des politiques. Beatriz Pagy a notamment évoqué le fait que la plupart des processus liés à la CCNUCC se déroulent principalement en anglais, sans traduction, alors que moins de 5 % des Brésiliens peuvent communiquer en anglais.    

Elizabeth Gulugulu a souligné la nécessité de réduire le jargon et de parler aux membres de la communauté des problèmes d’une manière qu’ils peuvent comprendre et à laquelle ils peuvent s’associer. Elle a parlé de l’inclusion des personnes en situation de handicap, en imprimant des livres en braille, par exemple. « Nous ne pouvons pas gagner le combat si nous laissons des gens derrière nous », a-t-elle noté.  

Comme l’a déclaré Patricia Fuller, ambassadrice du Canada aux changements climatiques, qui s’est également exprimée lors du panel des jeunes de la COP26, les jeunes doivent être conscients des nouvelles occasions créées pour faire face aux changements climatiques. « Nous devons rendre cela réel pour les gens », a-t-elle déclaré. 

L’innovation et la multirésolution des jeunes

Youth Climate Lab, GAYO et de nombreux jeunes impliqués dans ce processus de consultation défendent l’approche « multisolutions ». Le centre d’études et de recherches Climate Interactive définit les politiques multisolutions comme celles qui « contribuent à protéger le climat tout en offrant d’autres co-bénéfices, tels que l’amélioration de la santé, la résilience aux catastrophes, l’économie et l’accès à une alimentation saine et à une eau propre. » En termes simples, il s’agit d’une approche de la résolution des problèmes qui tient compte de l’interconnexion des questions et vise à résoudre plusieurs problèmes en une seule intervention.  

Irfan Ullah a présenté un exemple de résolution multiple à Peshawar, au Pakistan, où un groupe de jeunes agriculteurs apprend à greffer des oliviers sauvages en vue d’une production commerciale. Le projet offre des emplois durables aux jeunes de la communauté et contribue à la croissance d’une importante industrie nationale. Mais les arbres servent également de puits de carbone pour atténuer les changements climatiques et contribuent à prévenir les inondations. 

Cet exemple montre que les jeunes ont besoin de nouvelles compétences pour réussir dans l’agriculture et dans de nombreux autres secteurs tels que l’énergie et la fabrication. Dans un monde en mutation rapide, les intervenants ont souligné la nécessité d’investir dans le renforcement des capacités des jeunes. Pour répondre à la demande de demain, les jeunes du Sud doivent être en mesure de développer les compétences appropriées dès aujourd’hui.  

Comme l’explique Elizabeth Gulugulu, « nous ne pouvons pas y arriver seuls… nous avons tous certains domaines sur lesquels nous nous concentrons, mais si nous sommes ensemble, nous pouvons nous compléter… et ensemble nous pouvons gagner la course. » 

Faits saillants

  • Des espaces clairs sont nécessaires pour que les jeunes puissent changer les politiques par le biais de processus et d’institutions formels. Les mécanismes à envisager sont les suivants : 

    • Les conseils des jeunes sur l’environnement et les changements climatiques 

    • Les quotas de jeunes 

    • Les cadres de suivi et évaluation axés sur les jeunes  

    • Des canaux de communication clairs et durables entre les décideurs et les jeunes 

  • Les jeunes ont besoin de financements et d’occasions pour participer aux processus politiques, innover et renforcer leurs capacités en matière d’élaboration de politiques, en particulier dans les communautés historiquement marginalisées. 

  • Les jeunes peuvent se faire les champions d’approches multisolutions pour résoudre des problèmes interconnectés et générer des bénéfices dans plus d’un secteur.