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Les revenus tirés des insectes soutiennent la résilience des moyens de subsistance

 
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Le fonds Cultiver l’avenir de l’Afrique (CultivAF) est un partenariat de 35 millions de dollars canadiens (37 millions de dollars australiens) sur dix ans entre le CRDI et le Australian Centre for International Agricultural Research (ACIAR). CultivAF finance la recherche appliquée visant à améliorer la sécurité alimentaire, la résilience et l’égalité des sexes en l'Afrique de l'Est et du Sud.

À mesure que les populations augmentent à l’échelle mondiale, la demande alimentaire, et en protéines en particulier, représente un défi important pour le système alimentaire mondial. La production traditionnelle de viande nécessite l’utilisation d’aliments pour animaux coûteux, qui représentent 70 à 80 % des coûts de production, et peuvent « exclure » les petits exploitants. Pour permettre à un plus grand nombre d’agriculteurs de se lancer dans l’élevage et de répondre aux besoins nutritionnels croissants, il est nécessaire de trouver une autre source de protéines abordable et durable sur le plan environnemental pour l’alimentation animale. Riches en protéines, en matières grasses, en minéraux et en acides aminés, les insectes représentent une solution viable.

Pour démontrer la faisabilité technique et la rentabilité économique des insectes pour l’alimentation animale, le Centre international de physiologie et d’écologie des insectes (ICIPE) a mis en place le projet Intégrer des insectes à l’alimentation de la volaille et du poisson au Kenya et en Ouganda (INSFEED). Il est soutenu par le fonds Cultiver l’avenir de l’AfriqueCultivAf, et s’inscrit dans un partenariat de 10 ans entre le CRDI et l’Australian Centre for International Agricultural Research. Au cours de la première phase de ses activités, INSFEED a aidé plus de 200 petites entreprises et 3 000 agriculteurs au Kenya à exploiter le potentiel de l’élevage de la mouche soldat noire en offrant une formation sur son élevage et l’utilisation des protéines d’insectes comme autre source de protéines animales. Dans la deuxième phase de ses activités, la formation a été étendue à plus de 6 500 agriculteurs supplémentaires, et les nouveaux débouchés commerciaux comprennent maintenant la transformation des déchets municipaux en engrais de haute qualité à valeur ajoutée pour améliorer la production agricole.

Résultats

Entrepreneurs en production d’insectes

En plus des 6 500 agriculteurs touchés, un groupe distinct de plus de 1 300 agriculteurs a suivi un cours d’incubation pratique de cinq jours sur tous les aspects de l’élevage de la mouche soldat noire. Parmi les personnes formées, 356 agriculteurs font déjà la production de mouches soldat noires dans quatre sites au Kenya, et plus de 103 nouvelles entreprises reposant sur les insectes ont été établies avec succès et produisent jusqu’à trois tonnes de larves fraîches de mouches soldat noires par semaine. Par exemple, les entreprises d’élevage d’insectes, dont InsectiPro Ltd et Ecodudu Ltd, traitent, emballent et commercialisent des produits séchés à base de mouches soldat noires auprès des meuneries locales. Dans le cadre du projet, les entreprises ont pu mettre sur pied une coopérative afin de leur permettre de vendre en vrac leurs produits à base d’insectes, ce qui leur a procuré un avantage concurrentiel.

Dans les comtés kenyans de Bungoma, Kiambu, Nyandarua et Siaya, quatre groupes de jeunes comptant 60 membres chacun ont suivi une formation intensive sur tous les aspects de l’élevage de la mouche soldat noire et ont reçu une formation supplémentaire en marketing. Outre la production et la vente de larves d’insectes, les jeunes dirigent des fermes expérimentales et des lieux d’apprentissage dans chaque comté conformément au projet, et ont accès à une source de revenus supplémentaire en offrant une formation aux groupes de femmes ainsi qu’à d’autres jeunes de la communauté.

Assurer un revenu pendant la COVID-19

Dans le cadre du projet, les agriculteurs ont été formés aux meilleures pratiques de traitement (séchage) des larves de mouches soldat noires pour la conservation et l’entreposage efficaces de leurs mouches soldat noires avant de les offrir aux meuneries locales, et pour qu’ils puissent garantir la bonne qualité des produits commercialisés. Cependant, en raison des restrictions de déplacement au Kenya dans le cadre des mesures de confinement liées à la COVID-19, de nombreux producteurs n’ont pas pu se déplacer pour accéder à la technologie de séchage. Pour remédier à ce problème, le projet a permis d’acheter un séchoir communautaire, qui sera installé à Nairobi pour être accessible à tous les agriculteurs.

Ayant tiré profit de la formation offerte dans le cadre du projet ainsi que de l’utilisation de la technologie fournie, l’agricultrice locale Roseanne Mwangi produit entre 700 kg et une tonne de larves de mouches soldat noires par semaine. Ses poulets et ses porcs sont nourris directement avec les insectes, qui se sont révélés efficaces pour augmenter le taux de croissance des poulets et la qualité de la viande maigre produite. « En l’espace de deux mois, nos poulets pesaient 800 grammes de plus et semblent énormes par rapport aux pondeuses et aux poulets à rôtir sur le marché », a déclaré Roseanne, qui peut désormais vendre ses poulets 900 shillings kenyans (environ 10,47 dollars canadiens) chacun.

Le projet permet donc aux agriculteurs participants de diversifier leurs activités, en passant de l’élevage exclusivement à la production d’aliments pour insectes également. Les petits exploitants réduisent également leurs coûts de production, car ils n’ont plus besoin d’acheter des aliments pour animaux importés et coûteux pour nourrir leur bétail. Les agricultrices, plus particulièrement, reçoivent une formation sur la production d’engrais à partir d’excréments de mouches soldat noires ou d’engrais à base de sciure et d’excréments, qui sont générés pendant le processus d’élevage des larves. L’engrais à base de sciure et d’excréments est vendu aux producteurs locaux de légumes et de maïs au prix de 1 500 à 2 000 shillings kenyans (environ 17 à 23 dollars canadiens) par sac de 50 kg, afin de fournir aux agriculteurs un revenu supplémentaire en période de confinement. Il a été prouvé que le produit permettait d’augmenter considérablement le rendement des cultures. Par exemple, on a constaté que les parcelles de terrain traitées avec des engrais faits à partir d’excréments de mouches soldat noires ont permis d’accroître le rendement du maïs de 27 % par rapport aux engrais organiques commerciaux, et de 7 % par rapport aux engrais à base d’urée.

Améliorer le paysage politique

L’approbation et la publication par le Kenya Bureau of Standards (KEBS) de trois normes sur les insectes, rédigées par ICIPE et les partenaires du projet, visant à réglementer et à orienter la production d’insectes comestibles et leurs produits transformés, constituent une étape importante pour l’industrie de l’alimentation à base d’insectes. Les normes, qui ont également été modifiées et publiées par le Uganda National Bureau of Standards, sont essentielles au développement, à la certification et à la commercialisation des produits à base d’insectes à l’échelle nationale et internationale, et permettront aux agriculteurs et aux transformateurs d’obtenir une accréditation pour vendre leurs produits à base d’insectes dans le monde entier.

L’optimisation de l’engrais à base de sciure et d’excréments de mouches soldat noires au cours de la deuxième phase du projet INSFEED ouvre de nouveaux débouchés aux agriculteurs et aux entrepreneurs locaux, tout en fournissant des informations pertinentes pour l’élaboration de politiques autour de ce nouveau produit. Le Kenya Bureau of Standards (KEBS) a déjà été retenu par ICIPE pour amorcer le processus d’élaboration de normes relatives à l’engrais à base de sciure et d’excréments. La publication de ces normes favorisera son entrée réussie sur le marché en renforçant la confiance des utilisateurs cibles.

Conclusion

Les aliments pour animaux à base de farine d’insectes constituent incontestablement un marché en pleine croissance au Kenya et en Ouganda, et sont très bien acceptés par les agriculteurs et les producteurs d’aliments pour animaux. La récolte de mouches soldat noires s’avère également importante pour la résilience des moyens de subsistance et permet de réduire les coûts de production des éleveurs confrontés à l’incertitude des revenus pendant la pandémie.

La publication de politiques et de normes favorables à la production d’insectes est une étape importante pour le projet et l’industrie de l’alimentation à base d’insectes, et contribuera à mieux faire connaître les produits à base de mouches soldat noires et à promouvoir leur adoption. Cependant, de nouvelles campagnes de sensibilisation sont recommandées si l’on veut que les produits atteignent leur plein potentiel commercial.

En ce qui concerne l’avenir, les travaux du projet se poursuivront dans le domaine de la recherche et du développement autour d’autres produits à valeur ajoutée, notamment les huiles d’insectes comme additif à l’alimentation animale et dans les savons cosmétiques, ainsi que la production de chitine de mouches soldat noires pour améliorer la santé des sols et la protéger les cultures contre les parasites.

Faits saillants

  • Au Kenya et en Ouganda, plus de 96 % et 95 % des éleveurs, respectivement, sont prêts à utiliser des aliments à base d’insectes dans leur élevage.
  • Plus de 85 % des producteurs d’aliments pour animaux au Kenya et 92 % en Ouganda se sont montrés disposés à intégrer des insectes dans leurs aliments pour animaux.
  • La substitution de la farine de poisson par de la farine d’insectes a amélioré l’engraissement du bétail et la teneur en protéines des poissons et du bétail.
  • Trois nouvelles normes sur les codes de pratique, les produits à base d’insectes et les produits contenant des insectes ont été élaborées et approuvées par le Kenya Bureau of Standards (KEBS).