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Quelle est la place des femmes dans les programmes de passation des marchés publics en Afrique de l’Est?

 

La promotion de l’autonomisation économique des femmes joue un rôle de premier plan dans l’atteinte de l’égalité des genres. Cette autonomisation économique nécessite une approche intégrée qui touche tous les secteurs et tous les systèmes de la société, des ménages aux lieux de travail en passant par les salles de réunion et les bureaux du gouvernement. Un domaine qui n’a été mis à l’honneur que récemment est celui des marchés publics (gouvernementaux) : les systèmes et les processus que les gouvernements utilisent pour acheter des biens, des services et des travaux.

Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques, les marchés publics représentent 14,9 % du produit intérieur brut de ses pays membres et près de 40 % des économies de l’Afrique subsaharienne. Les gouvernements utilisent de plus en plus ce pouvoir d’achat pour faire progresser des objectifs sociétaux, tels que l’égalité des genres.

L’initiative Croissance de l'économie et débouchés économiques des femmes (CEDEF) – Afrique de l’Est a commandé un examen des données probantes afin d’analyser l’intégration du genre dans les systèmes et les processus de passation des marchés publics de cinq pays : le Kenya, la Tanzanie, l’Ouganda, le Rwanda et l’Éthiopie. L’examen porte sur les mesures prises par chaque pays pour parvenir à cette intégration et les défis liés à l’adoption d’approches de passation de marchés sensibles au genre. Il propose également des recommandations pour surmonter ces obstacles. 

Faits saillants

  • Un nouvel examen des données probantes évalue le genre et les marchés publics en Afrique de l’Est. 
  • Ces politiques de passation des marchés sensibles au genre donnent des résultats mitigés. 
  • Les obstacles à la pleine intégration des femmes dans les systèmes de passation des marchés sont structurels, juridiques et politiques, culturels et sociétaux, financiers et liés à la corruption. 

 

Approches de l’Afrique de l’Est visant à inclure les femmes dans les marchés publics 

Les politiques de passation de marchés sensibles au genre en Afrique de l’Est varient d’un pays à l’autre. En 2013, le Kenya a été l’un des premiers pays africains à cibler les femmes et d’autres groupes marginalisés dans le cadre de son programme d’accès aux possibilités de marchés publics. Le programme exige que 30 % des possibilités de marchés publics soient réservées aux femmes, aux jeunes et aux personnes en situation de handicap – stipulant que pour être considérée comme appartenant à des femmes, une entreprise doit être détenue à 70 % par des femmes. Tout comme le programme du Kenya, ceux de la Tanzanie et de l’Ouganda ont introduit une exigence de participation des femmes pour un pourcentage des marchés publics. Le nouveau programme ougandais attend l’adoption de règlements, tandis que le programme tanzanien, mis en place en 2016, exige qu’une entreprise soit détenue à 100 % par des femmes. 

Le Rwanda et l’Éthiopie ont choisi d’adopter une approche localisée, avec des avantages indirects pour les entreprises appartenant à des femmes. Les stratégies de passation de marchés de ces pays sont axées sur les biens produits localement et sur les petites et moyennes entreprises. Bien que les femmes puissent bénéficier de cette stratégie, elles sont toujours confrontées à la concurrence d’autres soumissionnaires locaux qui sont plus aptes à accepter des contrats plus importants. 

Obstacles empêchant les femmes de participer aux systèmes de passation des marchés 

Bien que les stratégies de passation de marchés sensibles au genre soient encore relativement nouvelles, elles ont donné des résultats mitigés en ce qui concerne l’augmentation de la participation des femmes aux marchés publics. L’examen des données probantes permet de cerner les cinq types d’obstacles suivants qui entravent la pleine intégration des femmes dans les systèmes de passation de marchés : structurels et systémiques, juridiques et politiques, culturels et sociétaux, financiers et liés à la corruption. 

Les obstacles structurels et systémiques sont liés aux dimensions croisées du genre et d’autres formes d’inégalité. Par exemple, l’accès aux plateformes sur lesquelles les possibilités de passation de marchés sont publiées peut être limité. Ces sites nécessitent un accès à Internet, des ressources financières et une compréhension de la navigation sur des plateformes complexes, ce qui peut poser des problèmes aux entreprises appartenant à des femmes dans les régions rurales, où les niveaux d’éducation sont inférieurs à ceux des villes et où les technologies de l’information et de la communication sont dans les premiers stades de développement. 

Les obstacles juridiques et politiques se concentrent sur l’absence de cadres prévoyant l’octroi de marchés publics afin d’atteindre les objectifs d’égalité des genres. Sans cadres juridiques pour créer de telles dispositions, les pratiques actuelles favorisant les entreprises appartenant à des hommes continueront de dominer les systèmes de passation des marchés publics. À moins que des politiques sensibles au genre ne soient intégrées dans toutes les pratiques de passation des marchés, les initiatives qui soutiennent l’autonomisation économique des femmes dans le cadre de la passation des marchés seront moins efficaces pour apporter des changements systémiques durables. 

Les obstacles culturels et sociaux comprennent les préjugés qui nuisent à la confiance des femmes dans leurs compétences et leur capacité à devenir entrepreneures. Souvent victimes de discrimination et découragées par leurs réseaux personnels, les femmes disent avoir des réserves et un manque de confiance en elles lorsqu’elles s’engagent dans des secteurs à prédominance masculine. Ces facteurs sont également confondus avec les responsabilités du travail de soins non rémunéré, ce qui laisse aux femmes très peu de temps à consacrer aux entreprises et à s’engager dans un environnement concurrentiel de passation de marchés. 

Les obstacles financiers qui constituent un défi pour les entreprises appartenant à des femmes lorsqu’elles accèdent aux possibilités de passation des marchés comprennent le manque de liquidités à utiliser pour honorer l’appel d’offres, ou lorsqu’elles sont en concurrence avec d’autres soumissionnaires. D’autres facteurs incluent le manque de garanties disponibles, telles que des biens immobiliers, qui pourraient être utilisées pour compenser les obstacles lors de l’obtention de prêts auprès des banques. 

Les obstacles liés à la corruption limitent également la participation des femmes au processus de passation des marchés publics, car ils réduisent la confiance dans le processus d’appel d’offres et sa nature concurrentielle, et, par conséquent, découragent les entreprises appartenant à des femmes de participer. La corruption est également associée à l’abus de pouvoir à des fins d’exploitation sexuelle. Elle agit comme un moyen de dissuasion pour les femmes qui craignent l’extorsion sexuelle à tout moment du processus de passation des marchés ou la stigmatisation associée à la perception d’être sexuellement compromise ou autrement impliquée dans la corruption. 

Trouver des solutions pour arriver à un changement transformateur

Il ressort clairement de cet examen qu’il reste beaucoup à faire pour assurer la pleine participation des entreprises appartenant à des femmes aux processus de passation des marchés. Les recommandations proposées pour surmonter les obstacles comprennent la simplification du processus de passation des marchés, l’adoption de lois anti-discrimination, la suppression des exigences en matière de garantie financière, la présentation d’une formation et d’incitations éthiques aux agents publics, et bien d’autres.

L’examen vise à éclairer les discussions sur la façon de promouvoir l’entrée des femmes dans l’espace historiquement dominé par les hommes que sont les marchés publics. En plus de la recherche sur le travail de soins non rémunéré des femmes, le développement des compétences non techniques pour la préparation à l’emploi et l’entrée dans des secteurs économiques non traditionnels, l’initiative CEDEF – Afrique de l’Est soutient plusieurs projets liés à la passation des marchés sensible au genre : 

En s’attaquant aux obstacles auxquels les femmes sont confrontées dans les processus et les systèmes de passation des marchés, un changement transformateur peut commencer à prendre racine et déboucher un jour sur une approche intégrée de l’autonomisation économique des femmes, fondée sur l’équité et l’inclusion. 

Lisez la note d'orientation. 

Lisez l’examen des données probantes.

Collaboratrice : Annet Abenakyo Mulema, administratrice de programme principale, CRDI