Une vision planétaire pour les petites entreprises d’Égypte
Autrefois ignorées et sous-évaluées, les petites entreprises sont aujourd’hui à l’avant-plan des préoccupations alors que l’Égypte prend des mesures audacieuses pour transformer son économie, grâce au soutien stratégique du Projet d’amélioration des politiques visant les PME et à la recherche appuyée par le CRDI.
Ce qui fait défaut à la majorité des pays en développement, dont l’Égypte, c’est un secteur de taille moyenne vigoureux et dynamique comme celui qui est apparu en Asie de l’Est, si bien qu’ils souffrent de ce qu’il est convenu d’appeler le « syndrome du missing middle », ou l’absence de secteur intermédiaire.
Le défi du développement : aider les petites entreprises à entrer dans l’économie mondiale
Les grandes entreprises sont souvent vues comme la clé de la croissance économique. Surtout au siècle dernier, les grandes entreprises en mesure de produire des biens ou des services en série étaient le symbole d’une économie « moderne ». Dans cette perspective, l’économie égyptienne semble emprisonnée dans le passé. Le secteur privé de ce pays est dominé par une pléthore de petites entreprises : agriculteurs, fabricants de meubles, tailleurs, potiers, métallurgistes, propriétaires de restaurants. La liste est longue et diverse, mais toutes ces entreprises partagent une caractéristique commune, car elles emploient rarement plus de 10 personnes. Dans la plupart des cas, elles emploient quatre personnes ou moins; 93 % du secteur privé non agricole, par exemple, emploie de une à quatre personnes.
Cependant, vers la fin des années 1990, le gouvernement de l’Égypte a commencé à se demander s’il ne valait pas mieux faire un effort massif pour assurer l’essor de milliers d’entreprises lilliputiennes plutôt que de dépendre de quelques grosses sociétés pour accroître les exportations et créer des emplois. Les politiques égyptiennes favorisaient les grandes entreprises, tandis que les petits entrepreneurs travaillaient d’arrache-pied pour assurer leur gagne-pain malgré les nombreux obstacles auxquels ils faisaient face. N’ayant pas accès aux services de crédit, ils ont constitué des réseaux personnels pour obtenir des prêts fondés sur la confiance. Ne disposant pas de circuit de distribution, ils ont utilisé leurs contacts personnels avec les marchands et les fournisseurs. Occupés à lutter pour sauvegarder leur entreprise, ils n’avaient guère le temps d’étudier les nouvelles approches ou technologies susceptibles d’accroître leur efficacité. Mais si ces obstacles disparaissaient et si de nouvelles possibilités se présentaient, les petites et moyennes entreprises (PME) d’Égypte ne pourraient-elles pas connaître une croissance subite ?
Voilà une vision prometteuse — une manière de stimuler l’économie et de créer des emplois pour des centaines de milliers de jeunes désenchantés qui, chaque année, viennent grossir les rangs des chômeurs. Faire de cette vision une réalité exige toutefois un plan directeur soigneusement conçu et un revirement quasi sismique. Le gouvernement égyptien a fait appel au Canada de qui il espérait obtenir des recherches qui serviraient d’assises au changement. C’est ainsi qu’a été créé, en 2000, le Projet d'amélioration des politiques visant les petites et moyennes entreprises (SMEPol), grâce à l’appui du Centre de recherches pour le développement international (CRDI) du Canada et de l’Agence canadienne de développement international (ACDI).
L’idée : changement à court terme et gain à long terme
On a souvent dit du milieu des affaires en Égypte qu’il était extrêmement « inhospitalier ». Pour ne donner qu’un exemple : il fut un temps où il fallait jusqu’à un an à un entrepreneur pour obtenir un permis d’exploitation commerciale — formalité qui ne prend que quelques jours dans un pays comme le Canada. De fait, selon l’indice produit par la Banque mondiale et l’International Financial Corporation pour estimer avec quels pays il est le plus facile de faire affaire (Ease of doing business index), l’environnement politique en Égypte est considéré hautement défavorable.
Des 155 pays évalués, l’Égypte se classe au 141e rang. Le SMEPol a donc utilisé la recherche pour déterminer comment les politiques, la réglementation et les lois pourraient être modifiées pour créer un milieu plus propice aux PME. Envisageant les choses à long terme, le SMEPol a aussi mis l’accent sur la formation et l’encadrement du personnel du gouvernement égyptien quant à l’élaboration de politiques efficaces au regard des PME.
Le SMEPol est le seul mécanisme qui fasse avancer les choses pour ce qui est de la cohérence des politiques sur les PME en Égypte.
La recherche: passer des idées à l'action
Les chercheurs et les consultants embauchés par le SMEPol ont analysé le contexte commercial et les politiques en vigueur en Égypte afin d’établir clairement et précisément les mesures requises pour améliorer la situation. Étudiant particulièrement les questions définies comme étant prioritaires par le gouvernement égyptien, ils ont formulé des recommandations pour une réforme pratique des politiques publiques. Dans leurs travaux, les chercheurs ont tenu compte des enjeux relatifs à l’égalité entre les sexes, à l’environnement et à la main-d’œuvre enfantine. Ils ont communiqué leurs recommandations directement au ministre des Finances. Le SMEPol a ensuite appuyé le processus d’élaboration des politiques, en partie en fournissant, sur demande, des analyses qui faisaient cruellement défaut. En outre, les chercheurs se sont penchés sur la capacité des institutions égyptiennes de mettre en œuvre les mesures voulues pour favoriser la croissance des PME. La recherche du SMEPol sur l’élaboration des politiques a été complétée par des travaux axés sur la diffusion des résultats de recherche, la promotion du dialogue entre les intervenants, la formation et l’amélioration des outils de recherche.
Sur le terrain : élaboration des politiques, outils de recherche, formation et sensibilisation
- Les chercheurs ont entrepris diverses études sur les moyens de créer un cadre général pour favoriser l’essor des PME, améliorer l’accès des PME aux services financiers et aux marchés publics, et modifier la réglementation afin d’en faciliter le respect et d’en rendre l’observation moins coûteuse. La recherche a porté également sur les stratégies visant à accroître les exportations.
- Dans le cadre de colloques, de groupes de discussion et d’ateliers, les chercheurs ont écouté les propriétaires de PME et cerné les obstacles communs. Ils ont aussi fait part de leurs constatations à divers intervenants. En outre, plusieurs publications imprimées et électroniques ont été préparées afin de sensibiliser l’opinion à ces questions et de créer un point de contact commun où discuter des solutions de rechange possibles en matière de politiques.
- Afin que le personnel du gouvernement égyptien puisse se tenir à jour sur ces questions, un programme de formation et d’encadrement exhaustif a été mis sur pied. Les séances de formation officielles ont été complétées par des voyages d’étude au pays et à l’étranger. Les cadres supérieurs participant au projet ont fait office de mentors et conseillers auprès des représentants du gouvernement qui devaient acquérir des connaissances, des compétences et l’attitude voulues pour élaborer des politiques sur les PME.
- Des consultations avec une vaste gamme d’intervenants ont eu lieu dans 15 gouvernorats. Les propriétaires de PME ont pu à cette occasion apprendre quelle était la nouvelle orientation du gouvernement quant à son appui des PME et faire état des services qu’ils espéraient obtenir.
- Les chercheurs ont publié des monographies, fourni des statistiques pertinentes et créé des bases de données afin que les responsables des politiques puissent compter sur de meilleures sources d’information fondées sur des données probantes.
L’incidence : créer un climat commercial plus favorable
La recherche de SMEPol a étayé les efforts faits par le gouvernement égyptien pour apporter des changements notables à ses politiques. Ainsi, un cadre réglementaire plus favorable est en voie d’élaboration, le gouvernement a promulgué la réforme du régime fiscal, entrepris une évaluation complète du secteur non structuré et modifié la loi sur les appels d’offres. Le premier ministre a chargé le ministre des Finances de faire en sorte que les PME puissent participer à un plus grand nombre d’entreprises de capital de risque.
Qui plus est, toujours en se fondant sur les travaux du SMEPol, une nouvelle vision cohérente de la croissance des PME a été avalisée, adoptée et publiée dans un ouvrage intitulé Enhancing Competitiveness of SMEs in Egypt: General Framework and Action Plan. C’est une première en Égypte. Car bien qu’il y ait déjà eu, dans ce pays, des initiatives menées à bien par plusieurs intervenants dans le domaine du développement des PME, ces efforts ont été largement dispersés, mal coordonnés — sinon contradictoires — et isolés. Le nouveau cadre règle ce problème en établissant de vastes paramètres pour favoriser l’essor des PME. Il expose aussi en détail des mesures concrètes (et les calendriers) qui aideront les PME à devenir concurrentielles sur le marché international. Le cadre institutionnel requis pour mettre en œuvre le plan d’action a été établi par décret ministériel.
Les défis de l’avenir : répéter l’expérience
Alors que l’Égypte s’efforce de réduire le chômage et d’accroître les exportations en rendant les PME plus compétitives, il faut aussi poser les jalons pour que d’autres pays puissent faire face à de semblables défis. Le CRDI étudie présentement comment répéter la démarche adoptée par le SMEPol ailleurs en Afrique et au Moyen-Orient.
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